L'histoire des cocktails Il est impossible de dater précisément l’émergence des cocktails ni
d’identifier l'inventeur du premier cocktail (et non pas coktail ou
coctail). Mais pour que la création des cocktails soit rendue possible,
il a fallu que soient réunies un certain nombre de conditions :
- des boissons, alcoolisées ou non, en qualité et en variété suffisantes;
- des consommateurs curieux pour vouloir s'aventurer dans de nouvelles directions gustatives;
- des
lieux appropriés, avec des professionnels capables d'innover et de
mettre au point des compositions savoureuses et originales.
Ces repères donnent davantage de précision quant à la période d'apparition
des cocktails, à savoir la seconde moitié du 19ème siècle. Car c'est
seulement à partir de cette période que les liquoristes et
distillateurs maîtrisent suffisamment leur savoir-faire pour proposer
des boissons stables et variées autorisant des mélanges plus complexes.
Par ailleurs, le développement commercial permet de découvrir de
nouvelles boissons venues d'autres horizons. Et l'émergence d'une
bourgeoisie aisée va donner naissance à une clientèle avide de
nouveautés.
L’influence anglo-saxonne La société britannique est la première à s'intéresser à ces
nouvelles préparations. Au 19ème siècle, son hégémonie mondiale lui
permet de découvrir en avant-première de nouveaux spiritueux tel que le
rhum. C'est également en Grande-Bretagne que se développe le gin : cet
alcool de grain, fortement réglementé dans sa production et donc plus
limité dans ses parfums, constitue une base idéale pour des
compositions plus aromatiques qui empruntent d'autres ingrédients venus
des confins plus ou moins lointains de l'empire.
Le gin n'était pas un très bon alcool. Distillé de façon rudimentaire, il est
trouble et on doit fortement l'aromatiser aux baies de genièvre et à la
coriandre. On doit même le sucrer pour qu'il devienne buvable. Quoi de
plus naturel que d'essayer de masquer ce fort goût de gin en ajoutant
quelques adjuvants ...
Au 19ème siècle, de retour en Angleterre, après plusieurs campagnes dans les pays de l'empire colonial, les officiers de l'armée britannique conservent l'habitude qu'ils ont prise de consommer le gin lié à la quinine pour lutter
contre la fièvre. Ils introduisent en Angleterre le Gin Tonic ainsi que
de nombreuses autres boissons.
Sous le long règne de la reine Victoria, se développe également un nouveau type d'établissement: le gin palace, luxueusement aménagé, avec boiseries exotiques, glaces taillées et fauteuils confortables. On y sert du London dry gin, accompagné de soda, de tranches de citron, puis d'eau de quinine,
l'ancêtre du tonic. D'autres compositions plus sophistiquées suivront
...
C'est donc dans une Angleterre à l'apogée de son
influence que sont élaborés les premiers mélanges, alors qu'en France
on ne connaît que le ratafia (eau-de-vie et jus de raisin) et certains
vermouths (comme le Chambéry).
Les cocktails : synonyme de bon vivreÀ la même époque, les États-Unis s'intéressent aussi aux cocktails. Paraît en 1862 à New York, le
Bartender's Guide,le premier livre sur les cocktails, rédigé par un certain Jerry Thomas.
Il y explique 236 recettes avant tout culinaires, dont treize seulement
concernent les cocktails, définis comme
"une invention moderne servie à des réunions de pêcheurs ou à d'autres occasions sportives". La technologie va contribuer au fort développement des cocktails puisque
c'est à partir des années 1870 qu'apparaissent les premiers appareils
permettant d'obtenir de la glace artificielle, un ingrédient
indispensable à tout cocktail digne de ce nom.
Très vite, les cocktails vont devenir l'apanage de lieux de qualité, tels les
paquebots et les avions, fréquentés par une clientèle aisée. Elle
apprécie de se voir servir des boissons sophistiquées, aux compositions
savantes et peu accessibles au commun des mortels.
Dès la fin du 19ème siècle, le Manhattan et le Martini dry sont devenus des
classiques sur les deux rivages de l'Atlantique. Ils symbolisent à
merveille la rencontre entre plusieurs mondes : le vermouth italien se
confronte avec le bourbon américain et le gin britannique. Le mélange
devient union et symbolise l'essor d'un nouveau mode de vie.
En 1922, la guerre est finie depuis 4 ans, l'Europe s'amuse. Ce sont les "années folles" (
the gay twenties),
une vague d'optimisme délirant qui touche également les États-unis.
C’est à cette période que sont créées les recettes devenues aujourd’hui
incontournables : le Bloody Mary et le Side Car sont créés à Paris,
respectivement en 1921 et 1924. On boit le Martini, le Gin Fizz,
l'Americano, le John (ou Tom) Collins, le Manhattan, etc., dans le
monde entier.